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n va et on vient, et on pense qu’on pourra le faire toujours. Le temps n’est pas mesuré. On est immortel.
Certains signes, pourtant, pourraient nous alerter sur la brièveté de notre séjour ici-bas. Ainsi la vision de ce bâton d’encens qui en se consumant défait petit à petit sa présence. La fumée s’élève lentement et on peut y voir la lame d’un glaive. Je pense au courtisan Damoclès levant la tête et voyant au-dessus de lui la menace d’une épée, disposée là par son maître pour lui donner une leçon de prudence. Aurions-nous la même sagesse ?
Nous aussi nous nous consumons comme cet encens, petit à petit. Et finalement nous deviendrons un petit tas. Petit tas petit... – Que deviennent les plus grandes ambitions ? Si haut qu’on soit monté, on finit toujours par des cendres.
Je ne voudrais pourtant pas désespérer mon lecteur. Même si nous voyons dans la fumée de cet encens l’image de notre destin, n’oublions pas qu’elle est de bonne odeur, et que notre vie, comme elle, peut avoir du parfum. À nous au moins de le lui donner.
Certains ne sentent jamais le parfum des choses. Ce sont d’éternels enrhumés. Au contraire, essayons de trouver senteur et goût à nos plus humbles moments. Ils gagneront beaucoup à être sentis comme éphémères, à se découper sur le fond sombre de la mort future, comme la fumée sur cette photo.
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. Le conseil évangélique ne s’applique pas seulement aux malades atteints d’Alzheimer, qui eux aussi sont dans cette double ignorance. Bien plutôt à nous-mêmes. Si l’heure en est incertaine, la mort, elle, est certaine. Mors certa, hora incerta. Et finalement si cette photo peut être un memento mori, je voudrais qu’elle soit aussi une invitation d’autant plus pressante à jouir de la vie. Dum vivimus, vivamus – Tant que nous vivons, soyons vivants.
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