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Le blog artistique de Michel Théron
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Le Désir d'arrêt

Le Désir d'arrêt

D.R.

I

 

l est constant dans nos vies. À peine goûtons-nous un moment qui nous semble parfait, qu’aussitôt nous vient le désir de le suspendre. Arrête-toi, moment, tu es si beau ! Ou bien, de façon plus grandiloquente : Ô temps, suspends ton vol ! – Mais c’est une illusion, le Temps qui dévore tout ne s’arrête pas.

On dit qu’il fuit. Tempus fugit, le Temps s’enfuit. Cette inscription des cadrans solaires nous est familière, mais elle procède d’une illusion d’optique : ce n’est pas le temps qui fuit, mais nous qui fuyons dans le temps. Lui ne s’en va pas à proprement parler, mais nous nous en allons bel et bien, nous nous hâtons vers notre destination finale, nulle part balisée : la mort, langue étrangère.

L’instantané photographique ci-contre a de même arrêté le temps, figé sur le cadran. Et c’est l’essentielle caractéristique de cet art : l’immobilisation de toutes choses. Pour le meilleur et pour le pire. Le visage juvénile fixé sur l’épreuve ne changera jamais, alors que le « vrai » visage, lui, vieillit inexorablement. Cela peut paraître une victoire sur le temps et son changement constant. Mais d’un autre côté elle est totalement menteuse, et son ennemi véritable est le miroir, qui, lui, ne ment jamais. Pour certains qui s’attendrissent en voyant des photos d’eux-mêmes dans leur jeunesse, combien aussi pleurent dans la même situation ! C’est qu’ils savent bien au fond d’eux-mêmes que ce qu’ils voient sur l’image n’est pas ce qu’ils sont devenus.

De toute façon il ne sert à rien de décliner alors le thème du Ubi sunt... ? Où sont-ils, ces anciens moments ? Beaucoup le font qui ne font que se faire du mal. Il est vain de pleurer sur le temps passé, il ne reviendra pas. Mais si l’on veut s’arrêter à l’essentiel d’une vie, il faut retrouver par la mémoire l’Enfant qu’on a été, dans ses moments de vie pleine. Alors les rides actuelles et les misères de l’âge ne sont plus en question : cela ne relève que de la représentation sociale. C’est au contraire d’un état d’esprit qu’il s’agit, et qu’il importe de retrouver. L’Enfant intérieur s’est arrêté : il nous sourit et nous tend les bras.

 

***

Retrouvez d'autres textes et photos du même genre dans mon livre autobiographique La Vraie Vie.  Cliquez sur le lien ci-dessous :