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uand je passe à leur côté, à peu près tous les jours, ils me saluent avec déférence et avec plus ou moins de véhémence selon l’intensité du vent. Je les remercie intérieurement de cette complicité. Et ma marche du jour, ou ma sortie à vélo, se souvient de cette bénédiction. Ils sont chers à mon cœur, enfouis au fond de moi, et peut-être seront-ils à mes côtés au moment de tout finir...
En quoi je prévois les réactions du lecteur. Que me dit-il, avec cette personnification ? N’est-ce pas là une terrible régression ? Il n’y a que les enfants pour naïvement ainsi donner vie à tout ce qui les entoure. Pauvre de lui...
Mais je leur réponds que oui, j’adopte ici l’animisme des enfants. Il m’est naturel, comme d’ailleurs à quiconque parle, si on y réfléchit : ne dit-on pas que la montagne se dresse, que la plaine s’étend, etc. ? N’en déplaise à Descartes, la personnification de ce qui nous entoure nous est spontanée. Ce sont en nous des restes enfantins, et éminemment poétiques.
On ne tombe pas en enfance, on y monte. Au stade où j’en suis de ma vie, je ne vois d’autre solution que de faire cette montée. Régression si l’on veut, mais choisie, volontaire. C’est aux enfants qu’appartient le Royaume évangélique. Ils ont la capacité de vivre naturellement insérés dans le monde qui les entoure, en parfaite communion ou connivence avec lui, avec un regard simple, sans arrière-pensée ou faux-fuyant. Quoi d’étonnant qu’un simple roseau leur parle, alors qu’il a pour eux une importance égale à celle d’une étoile dans le ciel ?
Que si vous me dites que je vis trop de façon contemplative, je vous demanderai que vous sert cette façon exagérément extravertie que vous avez de vivre détournés de vous-mêmes ? Pour vous, je l’ai souvent entendu, la contemplation immobile est signe de dépression. Mais pour moi c’est votre agitation constante qui est signe de déséquilibre mental. – Merci donc, mes chers Phragmites au nom de peuplade si exotique, de m’avoir permis aujourd’hui de faire le point sur moi-même !
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