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gnorant la tenue de bain familière aux femmes occidentales, elle s’est hasardée dans l’eau pour photographier sa petite fille, qui elle aussi a gardé sa robe, et donc n’a pas non plus revêtu la tenue adéquate chez nous en pareille occasion. Leurs codes culturels sont donc respectés, elles obéissent à leur tradition. Et pourtant l’ustensile dont la mère se sert pour photographier (appareil numérique ou smartphone, je ne sais) est bel et bien un hommage à la modernité.
Ce mélange peut être intéressant, entre ce dont on a hérité et ce que l’époque actuelle nous offre. Il faudrait donc à la fois respecter les racines et s’ouvrir au nouveau, les deux pouvant se féconder mutuellement. À partir de là on pourrait envisager l’utopie d’un monde totalement mêlé, culturellement métissé, créolisé. Tout s’y justifierait à la fois par la force prégnante de l’héritage que l’on a reçu et l’assomption de la technologie contemporaine, cette dernière étant l’objet d’un consensus planétaire.
Pourtant je trouve cette solution pacifiée trop angélique. Est-on sûr que celui (ou celle) qui reçoit une injonction comminatoire à respecter un héritage social est au fond de lui en accord avec cette injonction ? Au moins y a-t-il (ou elle) assez réfléchi ? Dans les pays où la part féminine de la population ne va pas à l’école, la réponse est aisée à donner.
La Culture a deux faces : l’héritage que l’on reçoit, que les Allemands appellent Kultur. C’est la part du premier modelage, opéré par les parents. Et puis il y a la part de la formation personnelle, la Bildung. Elle se fait dans la scolarité qui suit, et ensuite dans toute la vie, par réflexion de soi sur soi. Dans la Bildung, la Kultur est soit restaurée par revivification, soit récusée si on ne peut plus y adhérer.
Je ne sais si cette mère aimante a accepté volontairement sa tenue, ou si on la lui a imposée. Je peux souhaiter que la première hypothèse soit la bonne, ou au moins que sa fille puisse passer dans sa vie de la première à la seconde des deux étapes que je viens d’indiquer.
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