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e seul personnage de la scène est minuscule dans un grand paysage qui semble le dominer et l’englober. Image de la petitesse humaine sûrement. Mais pas de son insignifiance, car un paysage n’existe jamais que reflété par une conscience. Ici, si le personnage est comme on peut le supposer en train de méditer, le paysage passe entièrement en lui : les deux ne sont qu’un.
En état de pleine conscience (mindfulness), je suis ce que je vois, entends, sens par tous les pores de ma peau. Il n’y a plus de dualité cartésienne sujet-objet. Contemplateur et objet contemplé se fondent l’un dans l’autre, s’interpénètrent. Cet état de non-dualité se nomme en Inde advaita. Il est familier aux mystiques, où le méditant se fond, s’absorbe, dans la divinité pour y disparaître.
Mais cet état est familier aussi à quiconque se prend et se perd dans la contemplation du monde, et aussi évidemment aux poètes. D’étranger peut-être au début, le monde en de certains moments de fusion devient proche et fraternel, et tout peut s’échanger entre lui et nous.
Ce n’est pas pour rien que j’ai donné comme titre à cette petite méditation : Paysage solitaire. En effet logiquement le paysage, non animé, ne peut être dit solitaire. Mais quand nous le contemplons en solitude, alors le paysage dans lequel nous nous fondons, à notre image devient lui-même solitaire. Nous avons échangé nos états, nous lui avons attribué une situation qui au départ n’appartenait qu’à nous.
Cet échange s’appelle une hypallage (en grec, échange). La figure la plus simple consiste à changer la place du qualifiant. Ainsi « Le méditant solitaire dans le paysage », qui est plat et froid, devient : « Le méditant dans le paysage solitaire », qui est sensible et vivant. Mais tous les échanges et inversions possibles dans la façon logique de voir les choses relèvent du climat de l’hypallage.
Maintenant, il me reste à m’excuser auprès du lecteur d’avoir transformé ma méditation en leçon de stylistique !
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