Le pire n'est pas toujours sûr...

ous sommes tellement attachés à ce qui nous réconforte, que nous projetons toujours de la positivité dans ce type de photo. Entouré par un crépuscule que nous imaginons bienveillant, environné aussi de solitude, ce couple nous semble la parfaite image de la symbiose, de la fusion des êtres. On croit deviner ce qu’ils se disent, plutôt se chuchotent : des paroles d’amour, pourquoi pas des serments éternels. Ainsi la photo, nourrie du rêve de tous, devient-elle un stéréotype, un cliché.

Car qui nous dit que ces personnes ne sont pas en train de se disputer ? Nous n’en savons rien, à cette distance. Peut-être les plus belles paroles deviennent-elles les pires insultes. Peut-être une rupture est-elle là préparée. Mais non, nous ne renonçons pas à notre vision édénique de la scène. Elle submerge tout.

Rien de si menteur qu’une photo. Pourtant celles-là alimentent nos meilleures illusions. Les présentoirs de cartes postales en regorgent, et l’image qu’elles donnent de la vie est peut-être irréelle. Mais nous en avons besoin.

Il m’est arrivé de critiquer le kitsch de ce type d’images. Mais maintenant je me demande si ma critique est bien justifiée. À condition de les prendre avec une certaine distance, ce qui est le propre de ce qu’on appelle le camp, ces représentations méritent une certaine tolérance. Mieux, elles ne sont pas toujours fausses.

Car qui me dit que la scène que je vois ne peut être aussi un vrai duo d’amour ? Elle peut être bien autre chose que cela, certes, mais l’hypothèse ne peut en être levée. Ne restreignons pas la Grande Image de la Vie. Elle déjoue parfois nos pires prévisions.

Donc tout n’est pas faux dans les scénarios positifs. Peut-être aussi dans les feel good books, dont je me suis souvent moqué. Non pas qu’ils ne puissent constituer un nouvel opium populaire, ce qui est le cas. Mais parce que la Vie est capable d’inspirer des élans inattendus. Le Pire n’est pas toujours sûr...

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